02/05/2013

Les grandes déceptions



Connaissez-vous, lecteurs, les petites déceptions ? Elles sont revenues il y a peu faire couler mes larmes, de telles déception sont d'ordinaire vécues par les enfants. Les adultes prennent ça pour des caprices, comme toujours, du "cinéma", ignorant la détresse profonde provoquée par cette petite déception : c'est une belle glace italienne au chocolat qui tombe, un doudou que l'on a depuis le berceau égaré, une maman qui, alors que vous tirez doucement sur son pull pour lui signaler votre présence, vous fait signe de vous taire avec un regard qui gronde, et continue sa conversation avec son amie, en vous caressant la tête comme on caresse un chien.
J'étais fatiguée, j'avais froid et faim, les nerfs usé par un trop plein d'errance, les idées noires revenues à a surface de la pataugeoire de mon esprit pesaient sur mes yeux humides. J'étais là, dans cet appartement à l'odeur rance de jus de poubelle. Cent mètres carrées de vide spleenétique pour une seule âme en peine, un vide lourd et chargé d'un silence assourdissant.   Alors j'appelai mon père. D'une petite voix, au téléphone "Tu peux venir me chercher ?". Il ne veux pas. Il est trop tard. Je dis que je comprends, c'est compréhensible, il est dix heures du soir passé. "C'est pas grave, salut." Je raccroche brusquement. C'est le vase qui fait déborder les gouttes d'eau. J'ai le cœur brisé. Je reste assise là, à fumer clope sur clope, une demi heure disons, puis je regarde un film. Un film qui endort l'âme et la plonge dans un rêve d'aventures et d'idéaux le temps d'une nuit.
Je rentrai donc un dimanche soir chez mes parents. J'avais passé un week-end infernal. Rien que pour deux heures, il me fallait les voir, il me fallait leur présence stable et reposante, il me fallait un amour inconditionnel, il me fallait un sourire, de la chaleur humaine. Je n'ai plus assez d'amour propre pour me préparer à moi même un repas de l'ordre du mangeable, et les snacks prêts à emporter d'environ 2,50€ que l'on peut trouver au coin de la rue - sandwiches triangles, döner kebab, hamburger américain sauce samouraï  - me font vomir rien qu'à leur évocation. Il me fallait un vrai repas. Je rentrai donc un dimanche soir chez mes parents, et ils étaient là, chacun sur leur ordinateur. Ma mère faisait la gueule, jouant à un jeu en ligne. Mon père repassait. Ma sœur écoutait de la musique avec des écouteurs. Le feu était éteint. "Ce soir c'est chacun pour soi." J'ouvris le frigo. Deux bouts de fromage se battaient en duel. Il n'y avait plus qu'un croûton de pain rassi. Je montai prendre une douche chaude, une douche réconfortante. Je me déshabillai, jetai un regard noir au monstre du miroir, et entrai dans la douche. J'allumai le jet. Cascade d'eau froide sur ma tête. Je sautai sur une serviette. Elle était encore humide. La gorge nouée, je me rhabillai, les muscles contractés et le cœur gros. Encore une petite déception.
Ce n'est rien, me direz vous, ce ne sont que des détails, des poussières dans notre vie. Alors pourquoi, comme une enfant en bas âge, ces petites déceptions me blessent-elles à ce point, elles sont des drames dans ma vie, les plus poignants instants de mon existence, j'ai à nouveau six ans, et j'ai peur de l'abandon.




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