13/10/2013

Tu sais, parfois je t'envie, je me dis : tu es loin d'ici maintenant, et moi je stagne dans la fange ambiante, sans essayer de m'en extirper, comme si j'y étais bien. C'est vrai que j'y étais bien, fût un temps. Qu'est ce qui a changé ? Est-ce moi ou est-ce elle ? J'aimais Mulhouse. Un soir sous l'emprise d'un puissant euphorisant, j'ai lancé : "Mulhouse est comme un tas de fumier sur lequel poussera une belle rose." J'étais convaincue de la fertilité de cet ancien spot ouvrier, cette ville dont l'âge d'or était à présent loin derrière pourtant. Les superbes murs de briques rouges, vestiges de son industrie prospère dans le domaine du textile, ont beau avoir résisté aux épreuves du temps, ils suintent encore de sueur, et personne n'ose trop y toucher. Nous, les jeunes êtres déviants, les freaks en quête d'une dose d'adrénaline, on aime bien ça, les décombres, les lieux délabrés, les hangars pas trop durs à squatter dont le toit menace de nous écrabouiller à chaque pas qui résonne un peu trop fort. On se demande ce qu'on va en faire. La tendance est à la conversion en lieux dits culturels, et je trouve ça plutôt sympa. Les associations alternatives fleurissent, fanent, il y a bien quelque chose qui bouge dans ce marécage. Des gens passionnés se décarcassent à faire passer des groupes dont la plupart des gens de ce monde n'ont jamais entendu parler mais qui n'ont rien à envier aux plus "grands" néanmoins. A un moment donné, je fréquentais constamment les bars où se jouaient régulièrement ces concerts, mais ça m'a gonflé. Alors que semaines après semaines je me retrouvais constamment au sein d'une même communauté dite "Beaux-arts" dans les mêmes endroits avec les mêmes gens qui racontaient les mêmes choses sur les mêmes sujets avec le même avis et la même voix et les mêmes gobelets dans les mêmes mains remplis de la même bière imbuvable, le sentiment d'enfermement était tel que j'ai purement et simplement arrêté de côtoyer ce milieu. Au début, c'était rigolo, parce que j'arrivais dans une sorte de secte où tout le monde se connaissait, et où le délire général était déjà là, ancré, et moi j'étais une gamine, et j'avais cette foule à conquérir. Maintenant que je connais tout le monde, aussi appréciables soient ces gens, il n'y a plus cette excitation du défi, où bien ça ne m’intéresse plus. Je me rendais compte que je tournais en rond. Il faut savoir que c'est ce qui occupait principalement mes week-ends voire mes soirées en général, donc je me suis vite retrouvée à ne plus rien faire et à ne plus voir personne. J'ai en plus quitté mon appartement puant et je suis retournée chez mes parents. Grosse erreur de ma part d'ailleurs que je suis en train de songer à rectifier dans les temps à venir. Traumatisée de mon année passée dans les recoins les plus sombres de mon esprit humide et boueux, je suis donc retourner m'isoler dans le cocon familial qui pour la première fois de ma vie me semblait accueillant et rassurant. Ici, il faisait chaud, et il y avait de quoi manger à ma faim. Je m'entendais bien avec mes parents depuis l'obtention surprenante de mon baccalauréat, donc de ce côté là, il n'y avait aucun soucis. Mais je me perds, je parlais de Mulhouse. C'est qu'avant, j'étais prête à tout pour aller picoler un peu trop dans un bar avec n'importe qui. Je rentrais complètement ronde à la fermeture, je marchais de quarante minutes (quand j'étais pompette) à deux heures (quand j'étais vraiment bourrée) pour revenir à la niche. Ça m'allait très bien. Parfois je faisais des rencontres. Quand un mec du genre lourdingue et en manque au point de bondir sur la première gamine de seize ans qui passe (il est vrai que je faisais plus vieille) m'abordait, je réagissais foutrement bien. Je n'ai jamais eu de problèmes et je pense que je dois ça à ma dextérité rhétorique notable, et à l'absence de peur dans mon attitude. Je veux dire, j'étais tellement paumée qu'il pouvait m'arriver n'importe quoi, j'en avais vraiment rien à péter. J'aurais bien voulu qu'il m'arrive quelque chose même, histoire d'avoir une réelle raison d'aller mal, un justificatif à fournir à une société qui ne conçoit pas que l'on puisse souffrir sans saigner ou se briser un os en mille morceaux concrets. J'ai donc passé un été en total retrait, je n'ai pas bu, pas consommé de drogues, j'ai travaillé, j'ai vraiment essayé de me ranger un moment, d'instaurer une paix entre moi et le monde. Cette existence dont je sortais me dégoûtait. J'aimais Mulhouse, j'aimais ses lumières orange trop orange, j'aimais ses relents de pisse et de merde, j'aimais ses clodos et ses weirdos, et ses freaks et ses bobos, cette mixture nauséabonde et visiblement moisie à la surface, j'aimais les "nik ta mère" qui recouvraient les murs, les "R1T", les gribouillages en tout genre à la bombe, toute cette laideur et toute cette misère impalpable étaient telles, que le tout en devenait sublime. Avant j'étais partie prenante de ce côté obscur, j'étais un de ces monstres perdus et malheureux prêt à tout pour oublier, j'étais à Mulhouse-la-Nuit chez moi. Maintenant que me voilà plus ou moins "posée" dans ma tête, moins paumée, c'est toute la ville qui a changé. Je marche et j'ai peur. Tout m'a l'air plus sombre, mes yeux ne sont plus habitués à l'obscurité. Les gens sont plus agressifs : quand je passe il me semble que tous se retournent et me poignardent du regard. Ils ont comme une réaction d'anticorps vis à vis de l'intrus que je suis dans cet organisme nocturne moite. Ils le sentent. Ils me le font sentir. Je n'ai plus rien à faire ici. Je ne suis plus des leurs. à suivre

08/10/2013


L'archet est propice à la complainte. Les gens bien n'aiment pas quand ça grince. Moi je trouve que ça dit ce que ça veut dire. Grincer. Chouiner, crisser, il y a quelque chose d'aigu, de tendu, dans le frottement que je n'ai trouvé nul part ailleurs dans la musique. Mon doigté débutant n'arrange rien à l'atrocité que subissent les oreilles sensibles de ces lieux. Mon chat chéri, là, à côté de moi, est sourd - béni soit-il.
Le crin accroche les longs fils de métal, s'usent, et les longs fils de métal vibrent, doucement, usent le crin qui casse par endroits. Combien de coups avant que craque le dernier rescapé. Combien de râles délayés en milles ondes avant que la tension ne cède brusquement à rien (zéro), peut-être, imaginons, le claquement des cordes que plus rien ne sépare du bois dur et froid désormais. L'accord final, très probablement faux, surplombé d'un point d'orgue. Un a un donc, les crins cesseront de frotter et abdiqueront à jamais, valeureux guerriers tombant un à un au combat (ce n'est même pas le leur). Et ainsi je cesserai de hurler , je cesserai de larmoyer, de miauler, de couiner, et ainsi je devrais trouver

autre chose.

06/10/2013

N’attendez pas que l’inspiration s’invite en douceur. Courez-lui après avec une matraque. Jack London

Cornes lisses et impétueuses à l'assaut de la nuit flasque et fluide sans druide comme guide gémissant, le drapeau de la colère et de la misère, austère et jeune pourtant, on ne le reverra plus. Je sais.
J'essaie.
Encore et encore et encore et encore et puis plus d'un coup c'est fini.
J'essaie. J'essaie. J'essaie. J'essaie.
Je sais.
Je vais te tuer si tu ne me regardes pas. Regarde moi. Moi. Regarde moi. Je te jure que j'aurais ta peau, espèce d'imbécile malheureux, alors regarde moi.
Ça, la. Ça, c'est beau non ?
Non ?
Et moi ? Je suis comment ? Comme ça ? Et puis comme ça ? Ça va ? T'aime bien ? Non ? Mais regarde quand je te dis "regarde" ! Est-ce que j'ai vraiment besoin de te le dire : regarde moi.
Vous aussi, vous feriez bien de me regarder. Admirez le spectacle. C'est pathétique automatique fantastique dramatique utopique fantaisiste et drolatique, ça crève les yeux, y a un truc qui crève les yeux, c'est gratuit et c'est pas creux, donc bon, profitez, quoi. Je vais vous tuer, sinon. Promis.
J'ai dis promis ? Moi j'ai dit promis ? Mais non. J'ai jamais promis. Jamais rien promis. Oublie. Oublie. Oublie moi.
Oublie moi Oublie moi Oublie Moi Oublie Moi Oublie Moi Oublie Moi Oublie Moi. STP.
Je me ferais toute petite. Toute petite comme une souris. On ne me verra pas.
AAAAAAAH UNE SOURIS ! JE T'EN PRIS JEAN-PIERRE, FAIS QUELQUE CHOSE !, crie la ménagère de moins de cinquante ans à son mari devant le foot à la télé.
Pétasse. Comme si la souris allait te manger.
Donc Jean-Pierre gromelle, il lève son gros cul plein de graisse toute grasse, il gromelle encore, puis à quatre patte, il pécho la souris (elle était derrière le four), et il ...
J'hésite.
J'hésite à dire ce qu'a fait Jean-Pierre de la souris.
Vous ne voulez vraiment pas savoir ce que Jean-Pierre à fait de la souris.
Il l'a kkkrkrkkshhhquitkkkkkkkrrrrpffffrttt, puis il l'a hhhghghrhrrrrtttttqqqppprftprftprft, enfin, c'était pas beau, pas beau à voir, ni à entendre, ni à sentir, encore moins à goûter.
Enfin. On en arrivait là parce que je disais plus haut
Cornes lisses et impétueuses à l'assaut de la nuit flasque et fluide sans druide comme guide gémissant, le drapeau de la colère et de la misère, austère et jeune pourtant, on ne le reverra plus. Je sais.
Donc j'essaie. Mais j'essaie quoi ?
J'essaie de te dire quelque chose que je sais, et que tu sais aussi.
Je t'.
Je t'.
Merde.
Je t'.
Bon.
JE T'.
Rien à faire.
MAIS QUELLE HORREUR JE VOUS LE DIS QUELLE HORREUR QUE CE FUNESTE PARAGRAPHE INFINI SANS FIN ET SANS SAVEUR ET SANS FIN ET SANS FAVEUR ET SANS SEINS ET SANS SASSE ET SANS CESSE ET SANS CASSE ET ÇA ENCAISSE ET CENT TITRE ET SANG TITRE ET SANS TITRE ET SANS INTERRUPTION SANS NOM SANS NON SANS SANS SAINT SAENS
bref. sans.
Et j'essaie et j'essaie j'essaie j'essaie d'écrire un truc. Un truc potable.
Un truc que vous pourriez lire sans saigner des yeux.
Un truc quoi. Allez.
Merde, tu me la donnes, l'inspiration ?
Quand est-ce que tu viens souffler dans ma bouche dans mon âme ?
Redonner vie à la boue informelle et stagnante de mon esprit malade et colmaté ?
En attendant j'essaie.



Je sais.

Oui ! J'ai pleuré !
J'ai pleuré pleuré pleuré PLEURÉ 
Vous m'avez tous vu PLEURER

Puis pourquoi on pleure, en plus
(Puis pourquoi maintenant)
Connards de nerfs novices
Vos cris murmurés
Sourds, aveugles, muets, 

« Lapauvrejen'aimeraispasêtreàsaplace »

Vous avez tort,
Tort Tort Tort
Parce que de vous tous
Je suis la plus faible
Je suis la plus forte

Je porte sur mon dos
Le monde
Qui m'écrase
J'ai mal
Je jouis

Je touche du doigt les choses
Qui brûlent

05/10/2013


Vous allez rire. Vraiment, vous allez rire.
Je suis encore là !
J'ai pardonné, et j'ai été pardonnée. 

Très jeune déjà je la voulais toute à moi. L'envie de pénétrer entre ses murs et d'y poser mes marques un jour ne différait en rien d'un coup de foudre pour un tiers. Et dans ma tête, tout était limpide : elle sera mienne, j'y entrerai. Certaines adolescentes fantasment sur Johnny Depp (quoique, Johnny Depp est un vieux maintenant, disons Justin Bieber), et moi je fantasmais sur une école. J'y suis entrée. Au début, comme dans toute liaison passionnelle, l'euphorie était à son comble. J'arpentais chaque pièce avec un plaisir certain, et les allées et venues dans ses longs couloirs sombres me rendaient toute chose. Orgasmiques premières fêtes, une idylle fusionnelle, en anglais on dit "bliss". 
Puis tout naturellement, j'ai épuisé le coup de foudre. Je partais de tellement haut, il était normal, logique même que je finisse bien bas. Les étoiles dans mes yeux se sont éteintes, et l'or est devenu pierre, la nuit est tombée sur l'Eldorado, et j'ai eu froid. Partir, voilà ce qu'il me restait à faire, à mon sens. J'ai cessé d'y croire. Comme un couple qui se laisse couler, sans aucun espoir concernant un éventuel "demain". 
J'ai essayé, un peu. Parfois. De me conforter dans l'idée que c'était mieux comme ça. J'ai cru que la rupture me ferait plus de bien que de mal. Mon cœur a saigné. 
Physiquement, j'étais toujours là, donc, or mentalement, j'étais déjà à dix mille lieux de mon amour. Alors que je commençais à me préparer sérieusement à mon départ concret, un prof Beau Gosse m'attrapa au passage et m'embarqua dans un coin, "en skreud". Il me dit "Tu te rends compte de tout ce que tu perds ?"
Je répondis "Je peux très bien faire sans. Puis, je suis jeune, pourquoi m'enfermer dans cette relation alors que j'ai tant de choses à découvrir ?" Puis, lui : "Pour partir loin, il te faut un minimum de bagages, et c'est ici que tu peux l'acquérir. Tu pourras partir plus tard, et on pourra t'aider. Tu aimes Londres ? Tu pourras aller à Londres. Ou n'importe où hors de ces murs. Mais pour l'instant, s'il te plait, réfléchis à ce que tu perds, et à ce que tu ne retrouveras plus ni ici, ni ailleurs."
Je n'ai rien dit, sinon "Ok." et "Bon, je vais réfléchir."
Et là j'ai réfléchi, un jour. Le lendemain, c'était reparti. J'allais prouver à ce lieu que tout n'était pas vain. J'avais une semaine avant la fin. Je lui préparai avec amour une petite exposition digne de ce nom, de toutes mes forces et avec tout mon cœur. Le jour J, l'école sourit devant mon effort, mais baissa la tête en m’annonçant "c'est trop tard.". Je fermai les yeux et serrai les dents. C'était prévisible, bien sûr. Comment accueilleriez vous un ex qui vous aurait délaissé cruellement un jour, et qui reviendrait six mois plus tard avec un gros bouquet de fleur et une bague de fiançailles ? 


Pour l'école, tout était clair, et c'était fini. Je m'en voulais terriblement. 
Ainsi, avec l'aide du prof Beau Gosse et du prof à la Gueule Cassée, je me battis pour reprendre ma  place auprès d'elle. Je lui envoyai des lettres, et mes amis tentaient de leur côté de la convaincre qu'elle aussi perdait quelque chose qu'elle ne retrouverait peut-être pas. 
 Elle fini par me convier chez elle pour me dire "C'est bon, revient". 
Plus rien ne serait comme avant, nous le savions pertinemment. 
L'amour que j'ai aujourd'hui pour toi, mon école, est moins bouillonnant, moins volcanique. Je t'aime raisonnablement. Tes erreurs, je ne les condamnerais plus. Tes défauts, je les accepte, ils font parti de toi. Voyons, maintenant, ce que nous pourrons construire ensemble.