04/10/2014

Mauvais trip dans un concert rock dans les 70s.


Peut-être était-ils habités par quelque entité divine, lorsqu'ils faisaient vibrer leurs cordes de chair ou de métal, offrant leur figure mouillée au ciel vaste, ou peut-être ne l'étaient-ils pas. Peut-être faisaient-ils semblant ? Ça gagne de jouer au chaman illuminé, ça booste les ventes et ça dore le nom, c'est un truc de Morrison, mais les gens en redemandent. C'est dans l'ère du temps : on quitte sa paroisse pour des gourous d'un autre genre. On brûle la soutane sur un tas de fumier et on court acheter un T-Shirt absolument acide downtown.  L'envie y était : à les voir rire et chanter, danser et planer, qui rechignerait à se jeter corps et âme dans une pareille mouvance ? J'étais le seul, il me semblait, à me demander quelles étaient les limites de cette mascarade ardente ? 
Et elles, elles dansaient comme transportée, elles ondulaient, possédées peut-être. Ou peut-être pas. Peut-être feignaient-elle l'extase pour avoir l'air plus attrayantes encore qu'elles ne l'étaient déjà. Peut-être était-ce une façon pour elles de dévoiler la torride langueur qui les animait, une invitation qui ne se refuse pas ; leur piège était d'une simplicité redoutable, et tous s'y jetaient assidûment. Bien sur, elle n'avaient d'yeux que pour les dieux. Mais si un ersatz convenable s'offrait à elle, elle ne le congédierait pas. D'un commun accord, mâles et femelles se dévoraient l'un l'autre, le temps d'une nuit dans une piaule insalubre d'un motel du bord d'une autoroute de Californie. C'est cela, paraît-il, l'exquise liberté, celle que l'on avait touché du doigt il y a quelque temps déjà, du côté de Woodstock. En réalité, je n'y voyais que l'apogée d'un consumérisme total, accueilli à bras ouverts par une génération lassée d'une identité trop propre. "Je t'avale, en un instant, j'absorbe ton être,  comme j'ingurgite d'une traite un big-mac bien goûtu." Quelques poèmes téléphonés et creux sur le sens de la vie, histoire d'assaisonner le coït d'un nectar doux pour le coeur, et par la même de masquer l'odeur de transpiration âpre et agressive qui se dégage du corps vidé/comblé. Ensuite, ils allaient voir ailleurs, et malheur à celui qui avait succombé à la tentation vieillotte de l'attachement.
Ils étaient libres, oui… Libres comme de petits lapins frétillants lâchés dans un enclos assez vaste pour donner l'illusion de l'infinitude (car ce que l'on nomme Liberté, n'est ce pas de quitter une cage étroite pour en gagner une un peu moins étroite ?).  
L'aspect sordide qu'aurait pu prendre la scène était adroitement travesti : lumières colorées et tamisées, guitare à la distorsion incandescente, rythme régulier et incessant, moiteur d'un air trop partagé, senteur de l'herbe fraîchement séchée. Tous les sens étaient agréablement gâtés. L'éblouissement sympathique ne pouvait que séduire ces milliers d'yeux, d'oreilles, de nez, de langues, de peaux. Une esthétique totale prometteuse. C'est ainsi que l'on habille les monstres pour les faire aimer de tous. 

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